La seringue à travers les siècles ...

L’histoire des inventions est toujours passionnante, surtout si l’on remonte dans la genèse des idées qui les sous-tendent. De plus, cette « phylogénie » interagit toujours avec le progrès contextuel des connaissances. L’histoire de la seringue hypodermique illustre bien ce propos.

Pourquoi le besoin « d’injection » a-t-il existé ?

Comment l’a t-on abordé ? À quelle vitesse a-t-il évolué ?

Importance de la seringue d’ANEL ?

Le règne du clystère est-il fini ?


Sommaire

Un peu d’étymologie.

Les animaux constipés … !

L’injection n’est pas une invention humaine !

Du lavement purgatif … au lavement vermifuge.

Le lavement auriculaire ou « clyster oricularius ».

Le lavement chez les Mayas.

Invention de la seringue à clystère.

Le concept d’injection parentérale.

Les premières transfusions sanguines …

L’ancêtre de la seringue hypodermique = la seringue

Calibrage des aiguilles hypodermiques ...

L’ apothéose …

La nouvelle génération = le matériel jetable.


Un peu d’étymologie.

Il me semble toujours souhaitable de regarder, même sommairement, l’étymologie des mots employés/étudiés. SERINGUE vient du grec ancien « surigx, surrigga » qui signifie roseau, flûte puis du grec « syringos » pour une sorte de canne ou de flûte. Ce mot est devenu « syringa » en latin, puis « siringue ou ceringue » en vieux français. D’où le nom donné au seringa, son bois vidé de sa moelle ayant servi à faire des injections.

CLYSTERE provient du grec « klustêr », de « kluzein » = laver. Ce terme a donné « clyster » en latin.

INFUSION du latin « infusio », action de répandre dans. Qui a donné l’action d’infuser dans un liquide une substance dont on veut extraire les principes solubles.

Les animaux constipés … !

La majorité des espèces animales possèdent un tube digestif ouvert aux deux extrémités. La physiologie digestive est souvent basée sur un équilibre entre « les entrées et les sorties », permettant le prélèvement des nutriments nécessaires au bon fonctionnement des organismes considérés. Pour chaque espèce, cet équilibre est le fruit de milliers d’années d’évolution. Or, pour certaines espèces dont l’Homme, un des paramètres intervenant dans l’équilibre est fluctuant. Il s’agit du régime alimentaire. Pour simplifier et nous en tenir à l’Homme uniquement, nous dirons qu’au fil des millénaires notre régime alimentaire a fortement changé (voir page …. )  alors que notre morphologie et physiologie digestives se sont peu modifiées. La constipation est une des conséquences de cette dérive, même si elle n’est pas toujours la seule cause (voyez votre gastro-entérologue !). On peut penser que nous connaissons des problèmes de constipation depuis … 20 000 ans (? !).

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L’injection n’est pas une invention humaine !

Le point de départ de « grandes idées humaines » réside souvent dans l’observation éclairée du monde vivant, ou directement des animaux qui nous entourent. On raconte que le principe « d’aider à l’évacuation des matières fécales » (= lutter contre la constipation) serait venue à PLINE l’Ancien, naturaliste romain, (23-79 apr. J.C.) en observant des ibis (= oiseau sacré de Thot, dieu de la sagesse en Egypte). Ces oiseaux sont naturellement constipés. Ils doivent s’administrer des lavements à l’eau de mer … pour faciliter l’expulsion de leurs selles. Leur long bec courbe servant de canule. Pendant des millénaires avant J.C. et jusqu’au 15ème après J.C., on s’adonna sans vergogne aux lavements intestinaux, vaginaux et d’oreille. On s’aida d’une vessie puis d’une poche en cuir pour servir de réservoir. Un tuyau de roseau ou de sureau faisant fonction de canule rudimentaire. En pressant ou entortillant le réservoir, on expulsait le liquide contenu.

Du lavement purgatif … au lavement vermifuge.

Un corollaire de cette nouveauté fut l’invention de la purgation vermifuge . L’administration d’eau sous pression dans le fondement engendra un des premiers exemples d’intervention à but thérapeutique. Fort heureusement, on se cantonna aux cavités naturelles de l’organisme. On attribue à CELSE, Aulus Aurelius Cornelius Celsus (53 av. J.C. -> 7 après J.C.), la pratique de lavements huileux vermifuges après ingestion de lupin ou d’ail. De même RUFUS, médecin grec du premier siècle après J.C., conseillait des clystères irritants vermifuges à base d’eau salée et d’huile de ricin ou de tisane de centaurée, d’absinthe, de lupins ou de résine de cèdre. Quatre siècles plus  tard, un médecin à Constantinople ORIBASE (325-403) conseillait également les lavements vermifuges. Il préconisait l’utilisation d’une canule en corne, aménagée de plusieurs trous sur sa circonférence.

Le lavement auriculaire ou « clyster oricularius ».

Une seringue à piston aurait été décrite à la même époque. Son utilisation est mentionnée par PHILON (environ 230 av. J.C.), médecin à Byzance, pour instiller de l’eau de rose dans le conduit auditif. CELSE recommande également dans son livre « De Medecina » le lavement d’oreille pour combattre les écoulements purulents ou extraire les corps étrangers du conduit auditif externe. Il utilise le vocable « clyster oricularius » même pour évoquer son utilisation en urologie. Puis la seringue pour lavage d’oreille tombe en désuétude … et ne sera ré-inventée qu’au 19ème siècle.

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Le lavement chez les Mayas.

Les nombreuses scènes de lavement qui ornent certaines poteries mayas semblent indiquer que des lavements-intoxication étaient pratiqués lors de rituels chez les Mayas. Certaines scènes de vomissements suggèrent que des boissons alcooliques pouvaient être administrées sous forme de lavements. On a expérimentalement démontré depuis l’induction ou l’exacerbation de l’ébriété après administration d’alcool par voie rectale. D’autres scènes suggèrent que le tabac, le lys d’eau (hallucinogène ?) et d’autres plantes à fleurs pouvaient entrer dans la composition des lavements.

Invention de la seringue à clystère.

Ce n’est qu’au 16ème siècle que l’italien Marco GATENARIA inventa une seringue destinée à administrer les lavements. D’abord en bois puis en métal, ………………………..

En 1668, le médecin hollandais Regnier De GRAAF, auteur de « De Clysteribus », imagina une tige flexible permettant l’auto-administration du lavement. Le chirurgien de terrain Jean SCULTET (1595-1645) publie à Lyon en 1672 « l’Arsenal de la Chirurgie » = « Armamentarium chirurgicum » dans lequel il décrit l’emploi de chaque instrument. On y trouve une seringue à lavement avec son tuyau droit (matriculaire) et courbe (auriculaire) ainsi qu’une seringue à clyster avec son petit chapeau et les bougies … Alfred FRANKLIN, dans « le Médecin charitable » recommande "deux seringues avec leur étui ; l’une pour servir à la maison avec deux canons d’ivoire (= canules), l’un pour donner clystère aux grandes personnes et l’autre pour les petites. On y ajoute un pot d’estain à mettre clystère, pour le garder et faire chauffer lorsque l’on le voudra donner. La seconde seringue se présente avec deux canons de buys, pour prester charitablement aux pauvres quand ils en auront affaire ".

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Le concept d’ injection parentérale.

L’homme étant parfaitement « rodé » à l’administration de substances dans les cavités naturelles de l’organisme s’abouchant à l’extérieur … l’idée lui vint de l’effectuer après avoir fracturé la peau. Mais les « avancées technologiques » doivent attendre « l’acquisition des connaissances » pour ouvrir la voie à de nouveaux domaines.

On sait que Léonard de VINCI (1452-1519) pratiqua des injections à visée anatomique dans les vaisseaux, bronchioles et autres cavités à explorer. On doit le considérer comme un précurseur  de William HARVEY (1578-1657). Mais il fallut plus d’un siècle pour que ce dernier précise le fonctionnement de la circulation sanguine (1628). Enhardis par cette découverte majeure, durant tout le 17ème siècle, les expérimentateurs donnèrent corps au concept d’injection parentérale.

Les premières tentatives d’injections intraveineuses semblent avoir été réalisées par un servant de chasse à courre en 1642, en Allemagne de l’est. De même, en 1656, Sir Christopher WREN (1628-1694), astronome/mathématicien/architecte à Oxford, injecta par voie intraveineuse différents alcools à des chiens. SCHOTTUS raconte qu’à la Cour du Prince palatin RUPPERT, un « amusement » consistait à enivrer ou purger des chiens en leur injectant dans les veines du vin d’Espagne ou une liqueur purgative.  A cette époque, il n’y avait qu’un pas entre l’expérimentation animale et humaine. Il fut très rapidement franchi. Johann Daniel MAJOR (1634-1693) fut le premier à tenter cette expérience chez l’homme, en 1662 qu’il publia dans le premier livre relatant des injections intraveineuses « Chirurgia Infusoria » paru en 1664.

En 1665, SCHMIDT réalisa la première tentative de cure de la syphilis par injections intraveineuses ………………………..

En 1685, Johan Sigismund ELSHOTZ (1623-1688), médecin de l’Electeur de Brandebourg, réalisa les premiers essais infructueux d’anesthésie intraveineuse qu’il relata dans son livre « Clysmatica Nova » en 1667. J.M. PELT ( … ) cite FABRICIUS qui, en 1668 « voulut expérimenter les effets que produirait l’infusion de quelque médicament dans les veines d’un homme ». Il passa à l’acte en infusant avec un siphon deux dragmes de purgatif dans la veine médiane du bras droit de trois malades. Pauvres cobayes humains ! Frédéric DEKKERS à Leyde (1695) enseigne l’administration dans l’arrière-gorge de substances médicamenteuses à l’aide d’une seringue et canule en argent, en cas d’angine grave avec difficultés respiratoires. Une fort belle illustration figure dans son Traité « Exercitationes praticae circa medendi methodum ». Mais rappelons que les instruments utilisés étaient des vessies d’animaux ou des seringues à lavement adaptées … Les aiguilles creuses n'existant pas, la veine était disséquée pour être perforée. Comme les notions d’asepsie et d’antisepsie étaient inconnues, on imagine aisément pourquoi la mortalité entourant ces expériences les fit tomber en désuétude.

Par contre en 1776, le médecin allemand KOHLER réalisa une injection dont l’indication perdurera jusqu’au 20ème siècle. Chez un patient en état d’étouffement par obstruction œsophagienne, il administra du tartrate d’antimoine par voie intraveineuse, provoquant de violents vomissements salutaires.

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Les premières transfusions sanguines …

Il est vraisemblable que l’italien Francesco FOLLI, vers 1654, réalisa les premières tentatives de transfert du sang d’un animal vers un autre. Mais cela n’eut que peu de retentissements. Après un siècle de tâtonnements, au 17ème, on pratiqua les premiers essais de transfusion sanguine. Le médecin britannique Richard LOWER transféra le sang veineux d’un chien dans les veines d’un autre chien. Très logiquement, on expérimenta des animaux donneurs (agneau)… pour l’homme.

DENYS, Professeur de philosophie et de mathématiques pratiqua en 1667 la première transfusion sanguine chez un jeune homme. Après avoir retiré environ 3 onces* de sang, il injecta 9 onces de sang d’agneau …  On imagine les décès lorsque l’opération était correctement effectuée !

* 1 once = 28,349 g

L’ancêtre de la seringue hypodermique = la seringue d’ANEL .

Au début du 18ème siècle, le chirurgien français Dominique ANEL (1679-1730), fit construire une seringue sur le modèle de la seringue à lavement, mais beaucoup plus petite.

Dans « A Medical Dictionary » de R. JAMES paru en 1745, figure une seringue d’Anel et ses sondes.

Une illustration de l’Encyclopédie Diderot et d’Alembert représente une seringue d’Anel munie de son « siphon pour la succion des plaies ». Il s’agit d’une seringue en argent, à piston coulissant, dont le corps se termine par un embout à base carrée sur lequel se vissaient différentes canules, sondes ou aiguilles. Les chirurgiens-barbiers l’utilisaient uniquement pour nettoyer les plaies ou irriguer les cavités naturelles du corps.

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Ré-invention de la seringue auriculaire ...

En 1821, Jean-Marc Gaspard ITARD (1775-1838), médecin otologiste et chirurgien au Val-de-Grâce, préconise pour « la première nouvelle fois » l’irrigation de l’oreille à l’aide d’une seringue dans le but de faciliter l’écoulement d’un excès de cérumen. L’idée est rapidement reprise et appliquée par BECK à Freiburg (1827), FABRIZI à Modène (1839) et enfin SCHMALZ à Dresde (1846) qui introduisit «  le plateau en forme de haricot » chargé de recevoir l’eau de rinçage. KRAMER à Berlin (1860) propose un « petit sac en forme de seringue » fabriqué dans un ruban, destiné à l’auto-lavement auriculaire . Durant environ 200 ans, du milieu du 16ème au milieu du 18ème siècle, on chercha quelquefois à fracturer la peau et les parois veineuses à l’aide le plus souvent de plumes d’oie taillées.

Les premières seringues hypodermiques …

Il fallut attendre 1841 pour que le chirurgien Charles Gabriel PRAVAZ (Pont de Beauvoisin 1791- Lyon 1853)  améliore la seringue d’Anel en l’adaptant aux administrations parentérales précises. Il désirait injecter dans un anévrisme du perchlorure de fer coagulant. Pour ce faire il conçut et fit fabriquer par les établissements CHARRIERE une seringue en argent de 3 cm de longueur et 5 mm de diamètre. Le piston avançait en se vissant, permettant ainsi le contrôle de la quantité de substance injectée( en l’occurrence 30 gouttes). Canules et trocar étaient en or ou platine. Une fois la canule mise en place à travers le derme du sujet, le trocar était retiré de la canule. Il ne restait plus qu’à visser la canule sur l’embout de la seringue.

Comble d’ironie, C. G. PRAVAZ n’expérimenta que peu, ou pas, sa seringue chez l’Homme. Ce faisant il initia tout de même la sclérothérapie des varices. C’est le chirurgien L. J. BEHIER qui la dénomma « appareil ou seringue de PRAVAZ » et en popularisa l’utilisation en Europe.

En 1841, Zophar JAYNE (Illinois) invente un dispositif pour le traitement des hernies inguinales par injection de substance irritante dans le sac herniaire. Il s’agit d’une seringue effilée à une extrémité qui, affûtée, peut servir d’aiguille. Une ouverture latérale a été pratiquée dans le corps de la seringue, par laquelle la substance peut être introduite.

En 1845 le chirurgien Irlandais Frances RYND modifie la seringue dite de PRAVAZ pour administrer de la morphine par voie parentérale. Il invente un instrument qu’il nomme « Rétractable Trocar ». Cet instrument est basé sur le même principe que le dispositif breveté par Z. JAYNE. La morphine avait été isolée de l’opium en 1805 par Frierich SERTURNER, mais son utilisation retardée de 40 ans !

En 1853, LENOIR de l’Hôpital Necker de Paris, lui apporte deux importantes modifications. Tout d’abord il rend visible la substance injectée en dotant le corps métallique de la seringue d’un fût en verre. Ensuite il visse une fine canule à l’extrémité de la seringue et l’introduit dans le derme à travers la traditionnelle canule, plus large, dont on a retiré le trocar.

La même année, Alexander WOOD, chirurgien à Edinbourgh, utilise une seringue appelée « seringue de FERGUSSON ». Son corps est en verre d’une longueur de 9 cm et d’un diamètre de 1 cm, terminé par une partie conique et effilée. Son piston en verre est muni d’un joint en coton pour l’ajuster au corps cylindrique non calibré. Ce dispositif nécessite l’utilisation d’une lancette pour fracturer l’épiderme et permettre l’introduction de la partie conique et effilée de la seringue. WOOD va modifier cette seringue en calibrant son corps pour améliorer l’étanchéité du piston et ajouter un embout fileté pour visser une aiguille creuse. A. WOOD semble avoir utilisé l’aiguille creuse jusqu’en 1855, sans le publier. Toutefois, son nom est désormais associé à l’invention de l’aiguille creuse. 

Mais c’est finalement le système canule/trocar qui s’impose. En 1869, les établissements CHARRIERE, dirigés par Joseph-Frédéric-Benoit CHARRIERE,  pérennisent leur fabrication en adoptant le corps de seringue en verre enserré entre deux anneaux métalliques. La même année LÜER, un concurrent parisien de CHARRIERE,  apporte deux modifications fondamentales. Ce fabricant crée un système d’embout conique pour adapter facilement l’aiguille creuse à la seringue. Puis il remplace le piston-vissé par un piston à course libre de type « pousser-tirer » que l’on actionne par une simple pression du pouce. La tige de ce piston est toujours métallique et porte une vis de calibrage dont le réglage permet d’injecter une goutte de produit pour chaque millimètre de course du piston. Le « cône LÜER » aura son homologue sous forme de « cône PRAVAZ ». Le diamètre moyen du cône PRAVAZ étant inférieur à celui du cône LÜER, les aiguilles de type LÜER ou PRAVAZ durent perdurer jusqu’au milieu du 20ème siècle.

Puis Stanislas LIMOUSIN inventa l’ampoule de verre …

Deux avancées vont catalyser l’évolution des injections parentérales. On imagine aisément l’importance de l’invention du brûleur à gaz de R. W. BUNSEN (voir page …) qui décupla les possibilités de travail du verre. Mais d’autres facteurs étaient également nécessaires. Il fallait que les idées et les faits évoluent au niveau de l'asepsie et de l'antisepsie. Les travaux de LISTER-KOCH-PASTEUR, et de leurs prédécesseurs plus ou moins célèbres ou obscurs furent primordiaux.

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PASTEUR et la seringue hypodermique.

PASTEUR étudia d’abord des maladies animales transmissibles par voie buccale (choléra des poules, rouget des porcs, charbon). Mais un jour il eut besoin de faire pratiquer par ses collaborateurs JOUBERT et CHAMBERLANT une administration par voie parentérale.

Il s’agissait d’injecter sous la peau d’un cobaye une culture pure de microbes. Chamberland se rendit aux établissement LÜER, fournisseur d’instruments de chirurgie. Il acheta une seringue de Pravaz. Chamberland (physicien) et Pasteur (chimiste)   connaissaient son maniement long, complexe et non stérile … mais aucun n’en avait l’expérience.

Pasteur conseilla à Chamberland de solliciter l’aide d’un jeune étudiant en médecine qui préparait les cours de DUCLAUX à la Sorbonne. Il s’agissait d’Emile ROUX ! Ce dernier arriva vers midi. Il prit le cochon d’Inde d’une main et l’inocula rapidement sous la peau. Emile ROUX venait de signer son contrat d’embauche avec PASTEUR.

Quelques années plus tard, Robert KOCH (1843-1910) initia à Berlin le premier cours de microbiologie.* Cet enseignement récapitulait une longue série de découvertes (cultures pures, Postulat de KOCH, bouillon de culture, gélose nutritive, pipette d’EHRENBERG, etc…). Dans ce domaine, PASTEUR estima l’événement à sa juste valeur … et envoya Emile ROUX suivre le premier cours de R. KOCH ! On imagine facilement la moisson de connaissances que le jeune « stagiaire » engrangea. Il rapporta notamment une « pipette d’EHRENBERG », tube de verre que l’on effile à la flamme d’un bec BUNSEN, pour servir à la manipulation des bactéries ou les inoculer à l’animal dans des conditions d’asepsie correctes.

Il s’agit de la fameuse « pipette PASTEUR » que tous les biologistes connaissent mais qui aurait dû s’appeler « pipette d’EHRENBERG ». Puis le Dr E. ROUX mit au point une seringue entièrement en verre, donc STERILISABLE. En forme d’ampoule munie d’une aiguille métallique, son piston était constitué par une tige filetée portant des graduations. Au fur et à mesure que l’on « vissait » le piston dans le bouchon de la partie supérieure de la seringue, on faisait apparaître le volume de liquide injecté. Le Dr ROUX l’utilisait pour pratiquer de relatives anesthésies par la morphine. Puis on fabriqua des modèles en verre dont le corps de seringue gradué recevait un piston dont l’étanchéité était assurée par un anneau de caoutchouc entourant sa base.

* En effet le 1 er cours de la  Bactériologie naissante française, « Le Grand Cours de Microbiologie » donné par Emile ROUX sous la directive de PASTEUR à l’Institut du même nom, ne fut donné qu’en en 188…

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Calibrage des aiguilles hypodermiques :

Le système de calibrage des aiguilles hypodermiques, cathéters, sondes et fils de suture est basé sur le système anglais de mesure de l'épaisseur du fil de fer. En l’absence de normes officielles, les fabricants définirent des calibres directement corrélés avec les procédés de tréfilage. Ce système a été standardisé vers 1884. Chaque taille du calibrage était exprimée en multiples de 0,001 inches, soit 0.0254 mm. J.-F.-B. CHARRIERE a uniformisé l’incrément entre les tailles des calibres (1/3 de mm). Ce système fut connu sous le nom de « French Gauge ». Au début du 20 ème siècle, ce calibrage a été modifié par l’adoption du « Système d’Unités International ».



 

STUBS Gauge, 1802

Système Charrière, 1842

 

 

Filière

Charrière

 

Filière

Béniqué

 

N° calibre

(Gauge Nb)

 

diamètre

en “ inch ”

= French sizes

mm x 3

 

mm

N° calibre

 

 

36

0,004

0,305

0,102

 

 

 

35

0,005

 

0,127

 

 

 

34

0,007

 

0,179

 

1

 

33

0,008

 

0,203

 

 

 

32

0,009

 

0,229

 

 

 

31

0,010

 

0,254

 

 

 

30

0,012

 

0,305

 

 

 

29

0,013

 

0,330

1

2

 

28

0,014

1,067

0,356

 

 

 

27

0,016

 

0,406

 

 

 

26

0,018

 

0,457

 

 

 

25

0,020

 

0,508

 

 

 

24

0,022

 

0,559

 

3

 

23

0,025

1,905

0,635

2

4

 

22

0,028

 

0,711

 

 

 

21

0,032

 

0,813

 

5

 

20

0,035

 

0,889

 

6

 

19

0,042

3,200

1,067

3

 

 

18

0,049

 

1,245

4

7-8

 

17

0,058

 

1,473

 

9

 

16

0,065

4,953

1,651

 

10

 

15

0,072

 

1,829

5

11-12

 

14

0,083

 

2,108

6

13

 

13

0,095

 

2,413

7

14-15

 

12

0,109

 

2,768

8

16-17

 

11

0,120

 

3,048

9

18-19

 

10

0,134

10,211

3,404

10

20-21

 

9

0,148

 

3,759

11

22-23

 

8

0,165

12,573

4,191

12

24-25

 

7

0,180

 

4,572

13-14

26-27-28-30

 

6

0,203

 

5,156

15

31-32-33

 

5

0,220

 

5,588

16-17

34-35-36

 

4

0,238

 

6,045

18

37-38

 

3

0,259

 

6,578

19-20

39-40-41-42-43

 

2

0,284

 

7,213

21

44-45-46

 

1

0,300

 

7,620

22-23

47-48-49

 

1/0

0,340

 

8,636

24-25

50-51-52-53-54

 

2/0

0,380

 

9,652

26-27

- ?

 

3/0

0,425

 

10,795

28-29-30

- ?

 

4/0

0,454

 

11,531

-

-

 

5/0

0,500

 

12,700

-

-

 

0,001 inch = 0,0254 mm

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L’ apothéose …

La première moitié du 20ème siècle consacra cette longue genèse. La « voie injectable » fut inscrite dans la « bible du pharmacien » autrement dit, au CODEX en 1908.

Désormais on pouvait donc l’utiliser pour l'administration de médicaments chez l’homme. Une pléthore de seringues spécialisées vit le jour. De la minuscule seringue de ¼ de millilitre (= 1/4000ème de litre) à la géante de 100 millilitres (= 1/10ème litre). La plus célèbre de toutes fut celle de 10 millilitres. Ce fut la seringue d’utilisation courante en milieu hospitalier et en médecine de ville. Si dans le premier cas elle était souvent stérilisée par autoclave, la stérilisation de terrain reste gravée dans la mémoire de beaucoup d’entre nous. C’était une sorte de rituel préalable à une certaine torture … les aiguilles n’étant pas ce qu’elles sont devenues aujourd’hui. On plaçait l’engin et une ou deux aiguilles dans une casserole ménagère d’un diamètre légèrement supérieur à la longueur de la seringue. On la recouvrait d’eau, sans plus. Par ébullition, on faisait évaporer pratiquement toute l’eau. Puis en essayant de ne pas trop se brûler, on saisissait l’extrémité du piston et l’introduisait dans le corps de la seringue. Il ne restait plus qu’à fixer l’aiguille en place et aspirer le liquide à injecter.

La nouvelle génération = le matériel jetable.

Une incroyable révolution fut à nouveau permise par le progrès technologique. La seringue en verre s’avérait un outil totalement indispensable et fiable, mais d’une utilisation parfois mal-aisée. De plus l'affûtage du biseau des aiguilles se révélait fastidieux et assez illusoire. Les tranchants étaient désespérément émoussés. L’avènement du matériel en plastique, jetable, s'effectua très progressivement. Il fallut vaincre de multiples îlots de résistance. Prix de revient, fiabilité, sécurité, stockage nécessaire, grande différence de poids dans la main de l’utilisateur, etc… Certains préconisant une utilisation « mixte », aiguille jetable sur seringue classique en verre. Ce compromis s’affranchissait de la différence de poids (très important), réduisait le coût du nouveau matériel (pas de perturbations trop rapides des budgets) et surtout faisait bénéficier « le piqué » de l’immense confort des aiguilles jetables. En effet, loin d’être de qualité médiocre, ces dernières devinrent rapidement irremplaçables. Outre la stérilité industrielle garantie, le conduit jamais obstrué par les restes de la précédente utilisation, leur biseau était toujours parfait. Long ou court, simple ou double, son fil était souvent à double tranchant (intramusculaire).

En une décennie environ (1970-1980), la seringue hypodermique en verre a pratiquement succombé.

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BIBLIOGRAPHIE GENERALE

    PASTEUR et la rage, Paris, 1985.

    Histoire de la médecine, J. STRAROBINSKI, Ed. Rencontre, 1962.

    Encyclopédie Diderot et d’Alembert, Chirurgie, XXXI, fig. 4 à 9.

    La chirurgie moderne du 16 ème au 18 ème siècle, HUARD et GRMEK.

    Larousse médical Edition 1929

    Les grandes découvertes, Ed. Christophe Colomb, 1984.

    Histoire de la médecine et de la chirurgie de la Grande Peste à nos jours, P. BOUSSEL, Ed. de la Porte Verte, 1979.

    La chirurgie moderne. Ses débuts en Occident, 16ème au 18 ème siècle, GRMEK, Ed. Da Costa, 1968.

    Dictionnaire illustré de médecine usuelle, Dr Galtier-Boissière, Larousse.

    La conquête du monde invisible, G. PENSO, Ed. Da Costa, 1981.

    La vie quotidienne des médecins au temps de Molière, F. MILLEPIERRES, Hachette, 1964.

    2000 years history of the ear syringe and its relationship to the enema. FELDMANN H., Laryngorhinootologie, 1999 Aug., Vol. 78(8), P 462-7.